[Bonus] : La Maison-Blanche vue par Hopkins, proche collaborateur de Franklin Roosevelt

oval-office-1930s« Le bureau ovale du président, qui était en quelque sorte le centre de la nation, voire le centre du monde, n’avait, je crois, jamais encore été utilisé, sauf pour les grandes réceptions par son prédécesseur, Hoover. Roosevelt en avait fait orner les murs de gravures anciennes à sujets maritimes, de portraits de sa mère, de sa femme et de John Paul Jones. Il y avait là aussi une manière d’orgue mécanique, d’aspect assez rébarbatif, cadeau dont il ne sut jamais se servir.

Franklin et Eleanor Roosevelt, si novateurs en toutes choses, ne l’étaient guère pour la décoration de leur intérieur. Ils ne croyaient nullement aux actuelles théories américaines selon lesquelles le mobilier, les rideaux, etc., ont d’abord une valeur ornementale, ni qu’il faille une certaine unité dans les ensembles en tenant compte des époques, des styles et aussi des coloris.

Pour eux, une chaise était un objet sur lequel on s’assoit et tout ce qu’ils lui demandaient, c’était d’être confortable ; une table était destinée à recevoir des objets et un mur à être recouvert du plus grand nombre possible d’images douées de valeur sentimentale…

Et c’est ainsi que les pièces occupées par le président et par Mme Roosevelt à la Maison-Blanche finirent par être des répliques, aussi fidèles que possible, des chambres de Hyde Park qui semblaient avoir fort peu changé depuis cinquante ans, si ce n’est qu’on y avait multiplié un peu partout les agrandissements photographiques représentant de nouveaux enfants, des poneys et des voiliers. Le mobilier des autres pièces aurait pu provenir d’un hôtel un peu vétuste, mais très comme il faut, dans une quelconque station estivale. »

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[Bonus] : Dans L’Allée du Roi, quand Maintenon tient tête à Montespan

Montespan
Extrait de L’Allée du Roi, de Françoise Chandernagor (Julliard, 1982), p. 298.


« C’était encore à propos du gouvernement des enfants. [Mme de Montespan] était entrée dans leur chambre comme ils prenaient leur collation.

Pourquoi ces enfants mangent-ils des confitures et des compotes ? me demanda-t-elle sèchement. Je croyais vous avoir dit déjà que je ne voulais point qu’ils mangeassent, à cette heure-là, autre chose que du pain sec.

– Madame, lui dis-je, ils ont de si mauvaises dents à leur âge qu’ils aiment encore mieux ne rien manger du tout que de manger du pain dur. Aussi ai-je pensé…

Je ne vous demande pas de penser, Madame, je vous demande d’obéir. Au reste, avec toutes vos manies de bourgeoise, le beurre ou les confitures, vous nuisez à leur santé : s’ils mangent des compotes à collation, ils ne soupent plus.

– Pour cela, Madame, ils ne soupent que trop déjà. Il vaudrait mieux qu’ils ne se crevassent pas de viandes à minuit en votre compagnie, et qu’ils mangeassent davantage aux autres repas de la journée.

– Me tiendriez-vous tête ?

– Non, Madame, mais il est vrai que dans la nuit, ces enfants n’ont pas le temps de digérer leur souper. Ils dorment mal et, au matin, ils ne mangent ni à déjeuner ni à dîner. Si je ne leur donnais rien à collation, qui est le moment où ils recommencent à se sentir de l’appétit, ils passeraient toute la journée le ventre creux.

– Prétendriez-vous, par hasard, que la gouvernante de mes enfants me donnât des leçons ?

S’il est humiliant d’être leur gouvernante, répliquai-je vivement faisant mine de croire qu’elle voulait parler de leur bâtardise, que sera-ce d’être leur mère ? »

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[Bonus] : Les membres du célèbre et très fermé Club londonien In & Out

Les membres du célèbre et très fermé Club londonien In & Out, photographiés par Kitwood alors qu’ils célébraient leur 150ème anniversaire en 2012.

In & Out

Les membres du célèbre et très fermé Club londonien In & Out, photographiés par Kitwood alors qu’ils célébraient leur 150ème anniversaire en 2012.

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[Bonus] : Une lettre de Bonaparte à sa chère Joséphine !

Voici, pour donner un exemple de la passion – si peu partagée dans les commencements – du jeune Bonaparte, tout juste marié, pour sa femme, un extrait de la lettre qu’il lui adressait de Milan, le 23 prairial an IV. Une certaine lucidité n’en est pas absente…


« Joséphine, tu devais partir, le 5, de Paris ; tu devais partir, le 11, tu n’étais pas partie, le 12… Mon âme s’était ouverte à la joie ; elle est remplie de douleur. Tous les courriers arrivent sans m’apporter de tes lettres…


Quand tu m’écris, le peu de mots, le style n’est jamais d’un sentiment profond. Tu m’as aimé par un léger caprice ; tu sens déjà combien il serait ridicule qu’il arrête ton cœur. Il me paraît que tu as fait ton choix et que tu sais à qui t’adresser pour me remplacer. Je te souhaite bonheur, si l’inconstance peut en obtenir ; je ne dis pas la perfidie… Tu n’as jamais aimé…


« J’avais pressé mes opérations ; je te calculais, le 13, à Milan, et tu es encore à Paris. Je rentre dans mon âme ; j’étouffe un sentiment indigne de moi ; et si la gloire ne suffit pas à mon bonheur, elle fournit l’élément de la mort et de l’immortalité…

« Quant à toi, que mon souvenir ne te soit pas odieux. Mon malheur est de t’avoir peu connue, le tien, de m’avoir jugé comme les hommes qui t’environnent.

Mon cœur ne sentit jamais rien de médiocre… il s’était défendu de l’amour ; tu lui as inspiré une passion sans bornes, une ivresse qui le dégrade. Ta pensée était dans mon âme avant celle de la Nature entière ; ton caprice était pour moi une loi sacrée ; pouvoir te voir était mon souverain bonheur ; tu es belle, gracieuse ; ton âme douce et céleste se peint sur ta physionomie. J’adorais tout en toi ; plus naïve, plus jeune, je t’eusse aimée moins.

« Tout me plaisait, jusqu’au souvenir de tes erreurs et de la scène affligeante qui précéda de quinze jours notre mariage ; la vertu était pour moi ce que tu faisais ; l’honneur, ce qui te plaisait ; la gloire n’avait d’attrait dans mon cœur que parce qu’elle t’était agréable et flattait ton amour-propre. Ton portrait était toujours sur mon cœur ; jamais une pensée sans le voir et le couvrir de baisers.

Toi, tu as laissé mon portrait six mois sans le retirer ; rien ne m’a échappé. Si je continuais, je t’aimerais seul, et de tous les rôles, c’est le seul que je ne puis adopter. Joséphine, tu eusses fait le bonheur d’un homme moins bizarre. Tu as fait mon malheur, je t’en préviens. Je le sentis lorsque mon âme s’engageait, lorsque la tienne gagnait journellement un empire sans bornes et asservissait tous mes sens. Cruelle !!!

« Pourquoi m’avoir fait espérer un sentiment que tu n’éprouvais pas !!! Mais le reproche n’est pas digne de moi. Je n’ai jamais cru au bonheur. Tous les jours, la mort voltige autour de moi… La vie vaut-elle la peine de faire tant de bruit !!!

Adieu, Joséphine, reste à Paris, ne m’écris plus, et respecte au moins mon asile. Mille poignards déchirent mon cœur ; ne les enfonce pas davantage. Adieu, mon bonheur, ma vie, tout ce qui existait pour moi sur la terre. »

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[Bonus] : Quand Louis XIV évoquait Fouquet dans ses Mémoires

L'arrestation de Fouquet - Personnages en cire au château du Vaux-le-Vicomte

L’arrestation de Fouquet – Personnages en cire au château du Vaux-le-Vicomte

Au soir de sa vie, en 1714, Louis XIV décida de jeter au feu la plupart de ses papiers personnels. Le maréchal de Noailles parvint pourtant à sauver un certain nombre de feuillet dictés par le Grand Roi, cinquante ans plus tôt, pour l’instruction de son fils, le Grand Dauphin. Dans le Livre premier des Mémoires pour l’année 1661, on trouve cette furtive évocation de l’affaire Fouquet :

 

« Pour Fouquet, on pourra trouver étrange que j’aie voulu me servir de lui, quand on saura que, dès ce temps-là, ses voleries m’étaient connues ; mais je savais qu’il avait de l’esprit et une grande connaissance du dedans de l’Etat ; ce qui me faisait imaginer que pourvu qu’il avouât ses fautes passées, et qu’il me promît de se corriger, il pourrait me rendre de bons services.

 

« Cependant, pour prendre avec lui  mes sûretés, je lui donnai dans les Finances Colbert pour contrôleur, sous le titre d’intendant, homme en qui je prenais toute la confiance possible, parce que je savais qu’il avait beaucoup d’application, d’intelligence et de probité, et je le commis dès lors à tenir ce registre des fonds dont je vous ai parlé. »

 

Et à la fin de ceux pour l’année 1662, à propos certes du châtiment des révoltés du Boulonnais :

« Nous serions trop heureux, mon fils, si nous n’avions jamais qu’à obliger et à faire des grâces. Mais Dieu même dont la bonté n’a point de bornes ne trouve pas toujours à récompenser, et est quelquefois contraint de punir. »

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[Bonus] : Le feu d’artifice du 30 mai 1770

Place Louis XV – Actuelle Place de la Concorde

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[Bonus] : À l’origine de l’expression « hussards noirs de la République »

Charles Péguy, en 1913, raconte dans L’Argent ses souvenirs d’écolier, à l’Ecole annexe de l’Ecole de garçons d’Orléans, entre 1879 et 1885.
Ecole primaire
Il y décrit les élèves-enseignants qui venaient ici « faire la classe », en des termes qui passeront à la postérité.


« Nos jeunes maîtres étaient beaux comme les hussards noirs. Sveltes, sévères, sanglés. Sérieux, et un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine omnipotence. Un long pantalon noir, mais je pense, avec un liséré violet. Le violet n’est pas seulement la couleur des évêques, il est aussi la couleur de l’enseignement primaire. Un gilet noir. Une longue redingote noire, bien droite, bien tombante, mais deux croisements de palmes violettes au revers. Une casquette plate, noire, mais un croisement de palmes violettes au-dessus du front. Cet uniforme civil était une sorte d’uniforme militaire encore plus sévère, encore plus militaire, étant un uniforme civique. Quelque chose, je pense, comme le fameux cadre noir de Saumur. Rien n’est beau comme un bel uniforme noir parmi les uniformes militaires. C’est la ligne elle-même, et la sévérité. Je crois avoir dit qu’ils étaient très vieux. Ils avaient au moins quinze ans. Toutes les semaines, il en remontait un de l’Ecole normale vers l’Ecole annexe ; et c’était toujours un nouveau ; et ainsi cette Ecole normale semblait un régiment inépuisable. Elle était comme un immense dépôt, gouvernemental, de jeunesse et de civisme. Le gouvernement de la République était chargé de nous fournir tant de sérieux. »


Puis Péguy précise:


« Ces instituteurs étaient sortis du peuple, fils d’ouvriers mais surtout de paysans et de petits propriétaires… Ils restaient le même peuple, nullement endimanché, je vous prie de le croire, mais seulement un peu plus aligné, un peu plus ordonné dans ces beaux jardins de maisons d’école. »

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