Charles Péguy, en 1913, raconte dans L’Argent ses souvenirs d’écolier, à l’Ecole annexe de l’Ecole de garçons d’Orléans, entre 1879 et 1885.
Il y décrit les élèves-enseignants qui venaient ici « faire la classe », en des termes qui passeront à la postérité.
« Nos jeunes maîtres étaient beaux comme les hussards noirs. Sveltes, sévères, sanglés. Sérieux, et un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine omnipotence. Un long pantalon noir, mais je pense, avec un liséré violet. Le violet n’est pas seulement la couleur des évêques, il est aussi la couleur de l’enseignement primaire. Un gilet noir. Une longue redingote noire, bien droite, bien tombante, mais deux croisements de palmes violettes au revers. Une casquette plate, noire, mais un croisement de palmes violettes au-dessus du front. Cet uniforme civil était une sorte d’uniforme militaire encore plus sévère, encore plus militaire, étant un uniforme civique. Quelque chose, je pense, comme le fameux cadre noir de Saumur. Rien n’est beau comme un bel uniforme noir parmi les uniformes militaires. C’est la ligne elle-même, et la sévérité. Je crois avoir dit qu’ils étaient très vieux. Ils avaient au moins quinze ans. Toutes les semaines, il en remontait un de l’Ecole normale vers l’Ecole annexe ; et c’était toujours un nouveau ; et ainsi cette Ecole normale semblait un régiment inépuisable. Elle était comme un immense dépôt, gouvernemental, de jeunesse et de civisme. Le gouvernement de la République était chargé de nous fournir tant de sérieux. »
Puis Péguy précise:
« Ces instituteurs étaient sortis du peuple, fils d’ouvriers mais surtout de paysans et de petits propriétaires… Ils restaient le même peuple, nullement endimanché, je vous prie de le croire, mais seulement un peu plus aligné, un peu plus ordonné dans ces beaux jardins de maisons d’école. »