Chaque saison a son charme à mes yeux ; chaque grande fête m’apparaît comme imprégnée de son climat propre, qu’un goût certain du pittoresque m’amène à cultiver. J’aime ainsi les joies printanières du temps pascal, quand on relit Les jeunes filles en fleurs au bord de la mer, et qu’on écoute les Passions de Bach en cuisinant du chevreau à l’ail vert – concession à mon enfance poitevine… J’affectionne les réjouissances du 14-Juillet, flonflons et pétards compris, même si je leur préfère, bonheur estival inouï, les grandes représentations de Verdi, de Wagner, de Puccini sous les étoiles… Je vais jusqu’à trouver quelque attrait aux réminiscences grises de novembre – chrysanthèmes et sonneries aux morts – qui ne vont jamais, dans mon esprit, sans un bon feu de bois et le sacrifice quasi-rituel au film de Tavernier, La vie et rien d’autre… C’est ainsi : j’ai mon œuvre fétiche pour chaque page du calendrier.
A Noël, ce sont les Aigles foudroyés. Sur fond de sapin scintillant, dans un parfum crépitant d’épices, de mandarine et de thé à la cannelle, je me laisse bercer, des heures durant, par la voix musicale de Frédéric Mitterrand, égrenant les excentricités du Kaiser, les faux-pas de la Tsarine, les bonnes actions du roi d’Angleterre et les fantaisies de la triste impératrice d’Autriche. Mon cœur est alors à Balmoral, auprès de la reine Victoria, à la Hofburg, dans l’ombre de François-Joseph, ou encore sur le pont du yacht impérial Standart, où les grandes duchesses Olga, Tatiana, Maria et Anastasia font danser leur petit frère… Il me semble que les traineaux de Saint-Pétersbourg, comme les chocolats chauds, ambrés, de la maison Demel, à Vienne, sont propices à faire advenir – plus que nos voitures vertes ou les thés-citrons synthétiques – la magie de Noël.
Belle Epoque idéalisée, sans doute, mais où je viens me ressourcer toujours, comme en un bain de nostalgie. D’où vient-il, au fond, que j’aime tant le quart de siècle qui s’ouvre avec l’Exposition de 1889 et se ferme à la Guerre de 1914 ? Il faut croire qu’en dépit de son militarisme, de ses épidémies, de ses crises coloniales et de ses attentats anarchistes, cet âge où l’on cultiva beaucoup le plaisir, l’insouciance et le progrès, marqué par le cinématographe et la « Fée électricité », l’aéroplane et de l’automobile, ce temps béni de Monet et de Renoir, de Lucien Guitry et de Sarah Bernhardt me parle plus que d’autres… Connaissez-vous de romans plus troublants que La mort à Venise, plus ensorcelants que Madame Solario ? C’est possible –pour ma part, je continuerai sans doute à fêter Noël en 1900.
Belle et bonne fin d’année à tous !
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VOS COMMENTAIRES
- Guy : Très triste de cette nouvelle, le partage de l’Histoir e que vous avez débuté...
- cigale : Je n’en crois pas mes yeux ! Quelqu’un a-t-il pour mission de saborder...
- Frédérick : Bonjour, Franck ! Inconditionnel de votre émission et sachant la difficulté de...
- Laurent RACINE : Bonjour, Il n’est pas une journée sans que l’Histoir e, ses...
- DELCAMBRE Michel : Bonjour, N°1 et 2 sur l’histoir e de paris = bien mais quel est a...
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Oui très joli texte, moi aussi j’aime toute les saisons, même celles un peu plus tristes, comme l’automne……et moi aussi j’apprécie l’époque fin 19e début 20e…….(je vis toujours un peu dans le passé,) Voilà pourquoi j’apprécie vous écouter à la radio ou vous voir à la télévision….Bonnes fêtes de fin d’année
Très joli texte dense qui invite en quelques lignes à un voyage historique, littéraire, musical, olfactif et gustatif.
Bon résumé d’une Belle Epoque qui croyait dans un progrès sans fin. La Grande Guerre allait cruellement mettre fin à cette croyance. Belle fin d’année à vous. On attend avec impatience 2014 et d’autres récits de la Grande Histoire que vous nous faites revivre avec talent.