« Un tronc entier, couché sur un lit de braises incandescentes, flambait dans la cheminée. Les vitraux verdâtres, cloisonnés de plomb, filtraient un jour de mars avare en lumière. » En moins de trente mots, le ton est donné, le souffle convoqué. Le regretté Maurice Druon, entouré d’une solide équipe, devait, dans les années Cinquante, intéresser toute la France aux malheurs de Philippe le Bel, le roi de Fer, et de sa progéniture : Louis X, Jean Ier, Philippe V et Charles IV – ultimes capétiens directs. Et les figures ressuscitées de Mahaut d’Artois, d’Isabelle, la louve de France, ou du banquier Tolomei feraient désormais partie du panthéon national…
Près de vingt ans plus tard, l’adaptation télévisée du non moins regretté Marcel Jullian, mise en images par Claude Barma, achèverait d’enraciner le mythe. Je ne parlerai pas d’un récent remake qui n’eut rien pour nous faire oublier la série de notre enfance ; et m’attarderai plus volontiers sur la malédiction proférée par Jacques de Molay, Grand Maître déchu des Templiers, alors que les flammes du bûcher le dévoraient, sous les balcons du palais de la Cité, le 19 mars 1314 : « Pape Clément, chevalier Guillaume de Nogaret, roi Philippe, avant un an, je vous cite à comparaître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment. Maudits ! Maudits ! Soyez tous maudits jusqu’à la treizième génération de vos races ! »
Véridique ou apocryphe, cette malédiction devait s’avérer, puisque le pape mourut quelques semaines plus tard, bientôt suivi du roi et de son ministre ! Les règnes brefs et stériles des trois fils du roi de Fer devaient déboucher rapidement sur un changement de dynastie, et l’avènement du premier des Valois. Ce sont ces années troublées que nous racontent les Rois maudits, avec pour toile de fond la naissance de l’Etat et la crispation des grands feudataires, le bras de fer entre la papauté et la couronne de France, les origines de la guerre de Cent-Ans… Un univers fascinant que nous invite à redécouvrir ce numéro 2 de Détours en Histoire.