Mardi 6 mai. Mon invité « au cœur de l’histoire », l’ancien alpiniste Pierre Mazeaud, manifeste une mauvaise humeur assez marquée ; il déclare à l’antenne que, s’il avait pensé devoir subir une demi-heure de récit de ma part – un récit relevant selon lui de « l’imagerie d’Epinal » – il aurait décliné mon invitation ! Cette incartade m’amuse plutôt ; et au fond, je comprends fort bien ce vieux monsieur, exaspéré par l’abîme séparant ce qu’il a pu connaître des chromos quelque peu râpés qu’en a retenus la mémoire commune. Surprise : le public, en revanche, réagit violemment : mon téléphone et ma boîte mail sont assaillis de messages de soutien. Et c’est mon tour d’être désemparé… La forme, me demandé-je, en viendrait-elle à primer sur le fond ? Et notre monde aseptisé ne serait-il plus capable d’accepter les sautes d’humeur d’un invité caractériel ? Pour un peu, la solidarité qui m’est témoignée me gênerait plus que l’impolitesse qui m’a été faite…
Jeudi 8 mai. Dîner avec mon ami Stéphane Bern – ce que nous ne prenons pas assez souvent le temps de faire. Stéphane rentre tout juste d’Orléans, où il a eu l’honneur de présider les fêtes annuelles en l’honneur de Jeanne d’Arc ; il est encore sous le coup d’une émotion communicative, et marqué par la ferveur de la population locale et par son attachement aux rites johanniques. Je comprends et partage son enthousiasme. Les Français n’ont pas, au même degré que les Britanniques, par exemple, le sens et le goût des célébrations historiques. On est d’autant plus empli de gratitude envers ceux de nos compatriotes qui savent entretenir leur mémoire, et la faire vivre.
Vendredi 9 mai. Voici donc, tout chaud sorti des presses, le petit dernier de la collection « Franck Ferrand présente », chez Pygmalion. Il s’agit d’un ouvrage collectif, répertoriant la quantité d’arguments s’opposant à localisation en Bourgogne du site historique du siège et de la bataille d’Alésia. Titre : « Alésia, la supercherie dévoilée ». Je soupèse l’ouvrage, le feuillette, le tourne et le retourne. Et je me sens partagé : d’un côté, la joie de contribuer, une fois encore, à combattre le mensonge historique du MuséoParc Alésia ; d’un autre, l’anxiété de devoir affronter, de nouveau, le mépris, les coups bas, la mauvaise foi et, disons-le, l’ignorance pleine de morgue des partisans de l’Alésia bourguignonne… En 2008, ces gens m’ont mené la vie dure ; il va me falloir, de nouveau, serrer les dents et faire le dos rond. C’est le prix à payer lorsqu’on refuse certaines compromissions…
J’aime beaucoup votre analyse des événements de mardi et je suis bien aise de remarquer que je ne suis pas la seule à me trouver plus mal à l’aise des commentaires laissés sur le site d’Europe 1 que de la mauvaise humeur de l’invité. Tout le monde connait de vieux messieurs ronchons sans pour autant les qualifier de malotrus… Sommes-nous à une époque où la plupart des gens se sentent agressés plus qu’ils ne le sont ? Ne pouvons nous pas comprendre la mauvaise humeur de ce monsieur? Son introduction (plus courte que la votre certes…) était incisive, mais il voulait mettre les choses à plat. Je pense que j’aurai réagi comme vous, avec le sourire. Ne perdez pas votre bonne humeur, en espérant pouvoir encore profiter longtemps de vos récits.
Cher Franck, je n’ai pas écouté le podcast de vendredi mais j’en ai lu votre commentaire et une fois encore, je constate que vous êtes admirable (voir mon petit message du 8 janvier dernier) : accepter d’être bousculé sur les ondes et y trouver individuellement matière à réfléchir collectivement est une qualité rare. Respect.
La réaction enflammée de M. Mazeaud après votre récit de mardi m’a également laissé sans voix. Pour vos auditeurs quotidiens, nous ressentions de plein fouet l’injustice qui vous était faite. Il aurait suffit que votre invité écoute quelques-unes de vos émissions pour comprendre votre amour de la Vérité historique (ainsi que le fonctionnement de l’émission). Face à tant d’effort pour dans un temps si court nous immerger dans la complexité d’une époque et de sa mentalité, voir quelqu’un vous faire un reproche de cette teneur était assez insupportable… Mais cet agacement s’est transformé en véritable admiration à la façon dont s’est achevée votre émission : la concorde et le respect mutuel. Je donnerai beaucoup pour connaître votre échange qui lui a fait dire que vous aviez vous aussi un bon caractère, quand deux grands esprits se rencontrent …
Merci pour ce que vous êtes : un Passeur d’Histoire et un Chercheur de Vérité. Tenez bon dans la tempête médiatique, on a besoin de vous. Je suis convaincu que l’Histoire que vous servez si bien, vous en sera reconnaissante -comme vos auditeurs- et vous donnera raison !