Dans le bataille des Municipales, Paris occupe une place à part ; or, le grand duel des dames y éclipse ce que peuvent dire ou faire les autres têtes de listes. Ni les uns ni les autres, au demeurant, ne démentiraient vouloir rendre – ou laisser – « Paris aux Parisiens ». Ont-ils raison ? Après tout, capitale de la France, Paris appartient-elle vraiment aux Parisiens ? Ne serait-il pas plus juste d’estimer qu’elle « appartient » aux Français – à TOUS les Français ?
Pendant des siècles, rappelons-le, cette ville n’a pas eu de maire. Certes, la puissante corporation des « marchands de l’eau », qui percevait des droits sur le trafic fluvial, s’était organisée en une sorte de conseil municipal avant la lettre, ses échevins désignant un prévôt, sorte d’arbitre suprême. Saint-Louis ayant voulu aligner le statut de ce dernier sur celui des baillis – c’est l’origine du Grand Châtelet – il concéda aux mariniers l’élection d’un « prévôt des marchands » qui connaîtrait des questions commerciales et fiscales. Or, un siècle plus tard, le prévôt des marchands était devenu si menaçant pour le pouvoir royal que Charles V, échaudé par la révolte d’Etienne Marcel, en suspendit l’exercice. Echevins et prévôt ne furent rétablis qu’en 1412 – et encore : sous le strict contrôle d’une monarchie qui devait désormais les assimiler plus ou moins a des fonctionnaires royaux…
Le dernier prévôt des marchands fut le pauvre Flesselles, assassiné en 1789 lors de la prise de la Bastille, et dont la tête fut, au bout d’une pique, promenée dans les rues de Paris. Lui succéda le premier véritable maire en titre : ce Bailly qui devait présenter à Louis XVI la cocarde tricolore et, en juillet 1791, laisserait la Garde nationale tirer sur la foule, au Champ de Mars. A son tour, il y perdra la tête ! Ses successeurs, après Pétion de Villeneuve, seront de plus en plus « à gauche » – « montagnards », comme on disait alors…
Il allait revenir à Bonaparte, une fois de plus, de siffler la fin de la récréation. Or, le Premier consul ne s’y trompe pas : divisant Paris en douze arrondissements, il confie la gestion des problèmes quotidiens des Parisiens aux maires de ces arrondissements ; pour le reste, les affaires de la capitale de la France lui paraissent devoir relever de l’Etat, qui les assumera donc à travers l’aigle à deux têtes d’un préfet de la Seine et d’un préfet de police. Peu ou prou, tous les régimes qui succéderont à l’Empire s’autoriseront de cet exemple – à l’exception de l’éphémère Deuxième République, en 1848, et de celle instituée à la chute du Second Empire, en 1870, et qui devait déboucher sur l’insurrection de la Commune.
Même les Républicains de 1884, alors qu’ils doteront les autres communes de France d’un conseil municipal élu au suffrage universel, même eux s’interdiront d’instituer, au-dessus des maires d’arrondissement, un maire de Paris qui pourrait substituer, dans sa gestion de la capitale, les intérêts municipaux de la ville aux intérêts nationaux de la capitale. Il faudra attendre 1977 et la réforme giscardienne pour voir surgir, au cœur de notre vie politique, une figure nouvelle, d’envergure nationale forcément : le maire de Paris, version contemporaine. Etait-ce un bien ? A tout le moins, il est permis d’en douter.
À Monsieur Franck Ferrand un grand merci avec une profonde admiration pour vos passionnantes émissions de » l´ombre d´un doute »: elles sont magnifiques par ses détails historiques souvent inconnus, ses décors authentiques jamais vus, votre présentation claire et compréhensilble des liens secrets de l´histoire qui permettent de comprendre les fondements et la logique intérieure des faits et que vous déployez avec charme, finesse et passion pour l´ univers de cultures insoupconnées! Cette émission représente en-soi un trésor culturel, incitant à suivre votre chemin par un voyage personnel. J´espère que vous continuerez toujours dans cette voie enrichissante de l´histoire présentée dans » l´ombre d´un doute « .